ÉditorialPour une politique nationale

Par André Bourassa | Publié le 01/22/15

Article original paru dans la revue Esquisse, automne 2012

Lorsque ce texte paraîtra, nous saurons quel parti a été porté au pouvoir. Nous en saurons sans doute aussi davantage sur la façon dont le nouveau gouvernement compte utiliser les fonds publics en construction et en aménagement. Et je ne parle pas seulement des allégations de collusion.

Je fais référence, bien sûr, aux fonds publics destinés à l’architecture et à l’urbanisme. Après tout, des sommes importantes sont consacrées par l’État québécois à la construction de bâtiments et d’infrastructures publics. C’est normal. Mais, pour construire quoi? Où? Et comment? J’ose espérer que le sujet aura été abordé pendant la campagne électorale.

L’architecture — dois-je le rappeler? — est un art que le citoyen consomme au quotidien. Pas besoin de payer, de visiter un musée, ni d’aller au bout du monde pour en voir. En plus de cette dimension sociale, l’architecture façonne notre identité et elle a un impact sur l’image que nous transmettons, au pays comme à l’étranger.

Une image de marque renforcée par le cadre bâti pourrait nous rapporter gros, mais négliger le cadre bâti pourrait nous faire perdre encore plus. Les gens d’affaires l’ont compris. Ils plaident pour un pont Champlain qui soit un geste architectural fort et pas seulement un beau travail d’ingénierie, et ils appuient une croissance métropolitaine qui freine l’étalement urbain. Tourisme, rétention de la main-d’œuvre, investissement, population productive et en santé : les villes qui réussissent sont celles qui sont belles et où il fait bon vivre. Dans un monde compétitif où le « vert » compte, ces critères pèseront encore plus lourd à l’avenir.

Évidemment, les citoyens ne descendront pas dans la rue pour réclamer une Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement. Mais les pays et les villes qui ont proposé un aménagement cohérent et un cadre bâti de qualité séduisent. Les citoyens sont prêts. La qualité de vie, ça leur parle! La beauté aussi!

Les Québécois ne sont pas différents. Qu’on en juge par les vives réactions que suscitent, à Québec et à Montréal, les projets démesurés ou mal ficelés. Qu’on en juge également par la participation importante aux consultations sur les plans métropolitains d’aménagement et de développement (PM AD).

Les processus de planification du territoire ont des répercussions majeures sur les sommes investies. Pensons au projet du train de l’Est. Après avoir déterminé l’emplacement des gares, on a laissé jouer la spéculation avant d’acheter les terrains. Le citoyen se trouve à payer deux fois le prix fort : en tant que contribuable, puis en tant que locataire ou propriétaire des condos construits à proximité.

Une Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement n’aurait rien d’insensé. La République d’Irlande s’est dotée d’une telle politique. En Angleterre, la Commission for Architecture and the Built Environment (CABE) encadre les constructions publiques. En France, la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (MIQCP) soutient les organismes publics qui construisent et mènent des recherches.

On est loin d’Infrastructure Québec, un organisme qui n’emploie pas un seul architecte et qui, à entendre son président, semble uniquement préoccupé par les coûts et les délais. Cet organisme expérimente toutefois des modes de réalisation inusités, complexes et aux multiples intervenants qui ne peuvent générer que… délais, dépassements de budget et dilution des responsabilités. On se soucie peu de la qualité architecturale du bâtiment et de son apport au paysage.

Le gouvernement doit prendre conscience que les bâtiments et les infrastructures qui seront érigés au cours de son mandat marqueront le territoire davantage et beaucoup plus longtemps que bien d’autres gestes politiques.

Ce gouvernement hérite d’une autre responsabilité : celle de faire adopter la Loi modifiant diverses lois professionnelles et d’autres dispositions législatives dans le domaine des sciences appliquées. Nous avons travaillé longtemps à ce nouveau texte de loi, qui ne doit pas faire les frais des élections. Sans être parfait, il améliore nettement la protection du public, notamment en rendant obligatoire la surveillance des travaux. Voilà un projet qui, en période postélectorale, pourrait avoir un effet rassembleur.

Par André Bourassa
Publié le 01/22/15