


Ce commentaire a été transmis le 2 septembre 2015 à la Commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec dans le cadre des consultations particulières et […]
Article original paru dans la revue Esquisse de l’Ordre des architectes du Québec, été 2012
Avec le Plan Nord, le Québec se lance aujourd’hui dans l’aménagement de 72 % de son territoire. Rien de moins. Il s’agit d’un territoire relativement vierge et chacun s’enthousiasme devant cette page blanche sur laquelle nous voulons écrire une histoire inspirante. Je remarque toutefois que c’est l’aménagement du territoire dans son ensemble qui est encore une page blanche au Québec. Bien sûr, ici et là, une planification a été réalisée, parfois visionnaire, parfois appliquée, qui fonctionnait plus ou moins avec le territoire voisin. Bien sûr, nous avons noté des principes à ne pas négliger, comme le développement durable, la création de richesses économiques, le besoin de mobilité, la protection des paysages. Bien sûr, nous avons quelques outils entre les mains. Quelques notes éparses figurent sur un brouillon, en quelque sorte. Aujourd’hui, nous sommes mûrs, en tant que société, pour une réflexion large et ouverte sur la façon dont nous devons développer, protéger, organiser nos 1 667 441 km2, du Grand Nord au grand Sud.
Le projet de loi 47 sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme chemine à l’Assemblée nationale. Ce genre d’outil est évidemment utile, mais il est « technique ». Cela ne doit pas dispenser le gouvernement d’une réflexion plus globale permettant de dégager, dans un premier temps, une vision d’avenir, laquelle devrait idéalement faire consensus dans la population. L’Ordre des architectes a d’ailleurs appuyé, l’an dernier, l’Ordre des urbanistes, qui réclamait cette Politique nationale d’aménagement du territoire. Les instruments et les méthodes pour la décliner sur le terrain devraient en résulter dans un second temps. Il faut savoir ce que l’on veut construire avant de choisir les outils!
Le Plan Nord devrait ainsi découler de cette politique nationale. Il serait moins controversé, car mieux équilibré entre les objectifs économiques, sociaux, culturels et environnementaux. Les coûts et les bénéfices seraient sans nul doute répartis différemment entre le privé et le public. Il s’agit d’aménager un immense territoire particulièrement fragile : soyons prudents dans nos interventions et ayons une idée claire de ce que nous voulons à long terme avant de nous y précipiter. Ce développement doit aussi être harmonieux, et il doit avoir été pensé en collaboration avec les Premières Nations concernées. Il doit répondre à leurs besoins et à leurs aspirations. Prenons le temps de la conception, des esquisses, des plans et devis avant de monter les murs sur les fondations instables du pergélisol sans savoir quelle allure aura la conception.
Pendant que le Nord monopolise l’attention, on attend également un « Plan Sud » cohérent. Il faut arrêter de gérer « à la pièce » les décisions de développement immobilier et urbain ou la réfection et la création d’infrastructures. Gardons en tête que l’on aménage l’espace pour le présent et le futur. Apprenons de nos erreurs, et faisons d’autres choix pour l’avenir.
Par ailleurs, un virage en épingle s’impose de toute urgence sur le transport. Aménager le territoire intelligemment exige de sortir de la pensée unique asphaltée pour donner priorité aux transports collectifs et actifs. Cela coûte cher, je le reconnais, mais les coûts économiques, sociaux et environnementaux de l’étalement urbain et de la voiture à usage individuel sont encore plus élevés. Chaque fois que nous remettons à plus tard la décision d’investir dans le transport en commun, nous aggravons le retard et la facture. Au 21e siècle, l’aménagement du territoire doit être inspiré du TOD (Transit-Oriented Development).
Nous sommes allés le dire lors de la consultation sur le plan métropolitain d’aménagement et de développement (PMAD) de la Communauté métropolitaine de Montréal. Avec d’autres acteurs, nous avons aussi rappelé que la protection des terres agricoles, qui devrait depuis longtemps être une priorité au Québec, passe par la création d’une ceinture verte autour de la métropole. Cette mesure permet également de protéger les milieux humides et la biodiversité, de limiter l’étalement urbain et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Un cercle vertueux.
Je me réjouis de l’engouement suscité par le débat : réflexions de haut niveau, participation inattendue et médiatisation des enjeux. C’est la preuve que, plus que jamais, de nombreux citoyens sont mobilisés par ces questions. Ils s’impliquent dans le débat, car ils sentent bien que la qualité du cadre bâti et la qualité de vie à long terme dépendent des décisions d’aménagement du territoire. Étonnant, dès lors, de constater la possibilité de zones franches d’approbation référendaire dans le projet de loi 47, qui empêcheront les citoyens de se prononcer sur les modifications de zonage dans les municipalités. Sans doute le mécanisme actuel de référendum est-il perfectible, mais le supprimer me paraît un affront à la démocratie locale. Une chose est certaine : cela n’arrêtera pas les débats.