


Ce commentaire a été transmis le 2 septembre 2015 à la Commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec dans le cadre des consultations particulières et […]
Article original paru dans la revue Esquisse de l’Ordre des architectes du Québec, été 2011
Nous naissons, nous vivons et nous mourrons dans des bâtiments. C’est une évidence qu’il est nécessaire de rappeler pour parler du lien entre le bâti et la santé humaine, qu’elle soit physique ou psychologique.
Tous devraient idéalement naître dans un espace sécuritaire, fonctionnel pour le personnel, convivial pour les parents et les enfants. Voilà une réflexion à mener maintenant qu’émergent plusieurs projets de construction de maisons de naissance. De la même façon, quand on s’annonce la fin de la vie, nous devrions pouvoir passer nos dernières années dans des lieux confortables et sécurisants, quels que soient notre condition physique ou l’état de nos facultés cognitives. Or, plusieurs enquêtes journalistiques ont montré la qualité inégale des conditions d’hébergement dans les Centres hospitaliers de soins de longue durée (CHSLD) et les ressources intermédiaires. Et il ne s’agit pas seulement de la maîtrise du français par le personnel ou de la qualité de la nourriture servie. Ces articles mentionnent la largeur des corridors, la luminosité des chambres, la fonctionnalité des salles de bain ou, à l’inverse, les lacunes constatées dans ces aménagements. Je ne me lancerai pas ici dans un autre réquisitoire contre les partenariats public-privé, mais il semble que les résultats ne soient pas toujours au rendez-vous en ce qui concerne l’hébergement des personnes âgées.
Entre le début et la fin de vie, nous fréquentons des Centres de la petite enfance (CPE) où l’accessibilité est essentielle, où les bouts de chou doivent respirer un air sain, où leur motricité et leur esprit de découverte sont encouragés par un espace adapté et ludique. C’est un domaine où, malgré les normes strictes, les architectes font preuve de créativité. Nous allons ensuite dans des écoles où les espaces consacrés aux sports doivent être invitants, et ceux destinés à la circulation des élèves permettre de repérer facilement les salles de classe. Plus tard, en tant que travailleurs ou employés, nous devrions évoluer dans des locaux d’entreprises qui, entre autres, mettent en avant les escaliers plutôt que les ascenseurs afin de nous aider à nous maintenir en forme et à lutter contre l’obésité.
Tout occupés que nous sommes à nous créer des nids que nous voulons jolis, spacieux et pas trop chers, nous oublions que nous passons beaucoup de temps dans nos logements et qu’ils influent sur notre santé et celle de nos proches. Il serait peut-être temps de remettre en question certaines habitudes, par exemple celle d’installer des jeunes en croissance dans des sous-sols où la qualité de l’air n’est pas optimale. Ou encore nos choix esthétiques parfois audacieux. Sans pour autant renoncer à l’envie de modernité et de volume épuré, nous ne devrions pas tolérer des escaliers sans rampe, aussi design soient-ils.
L’idée est d’éliminer les risques pour la santé et la sécurité qui peuvent l’être et de rendre les lieux accessibles aux visiteurs de toutes conditions et de tous âges. Dès lors, on peut viser « l’architecture du bonheur », pour reprendre le titre du livre du philosophe Alain de Botton. Car les bâtiments dans lesquels nous vivons influencent bien évidemment notre psychisme. Il y a encore beaucoup d’aspects à explorer dans cet univers fascinant.
Il va de soi que les autorités publiques, chacune dans leur sphère de compétence respective, devraient se porter garantes des objectifs de santé publique, dans la construction comme ailleurs. On peut se demander par exemple pourquoi il est autorisé de construire des maisons avec sous-sol près des cours d’eau, alors que les conséquences de l’humidité sur la santé respiratoire sont documentées et que l’asthme est une pathologie en progression. Ou encore pourquoi certains matériaux sont homologués alors que leur innocuité n’est pas démontrée hors de tout doute. Au Québec, le principe de précaution est évoqué à l’occasion, mais uniquement par rapport aux questions environnementales. Certains pays l’appliquent aux enjeux liés à la santé publique, c’est-à-dire autant aux contaminations chimiques qu’aux ondes électromagnétiques, ces dernières étant bannies des bâtiments « sensibles » comme les bibliothèques ou les écoles. Je ne demande pas forcément qu’on aille aussi loin, mais la santé des Québécois et des Québécoises mérite qu’on l’aborde sous l’angle du principe de précaution.
Rappelons qu’il y a encore beaucoup à faire pour l’inclusion des personnes handicapées alors que s’ajoute au concept d’accessibilité universelle celui de visitabilité. Une résidence « visitable » par tout le monde, y compris les proches à mobilité réduite, dispose d’une entrée sans marche, de portes larges et d’une salle de bain en rez-de-chaussée, par exemple. Ces solutions doivent être prises en compte dès la conception. Tous – législateurs, propriétaires et architectes – nous devons nous mobiliser afin que toutes les personnes – celles qui sont en santé comme celles qui ne le sont pas, celles qui sont dites handicapées et les autres – puissent bénéficier de la même facilité et du même confort dans leur fréquentation des bâtiments.